Quand on arrive seule à avignon un
dimanche, on a faim. Ouais. Tout est fermé ici le dimanche. Les gens
comprennent moyen ce qu'on dit, on a besoin d'un adaptateur pour
recharger son cellulaire. On a aussi besoin de courage pour embarquer
soit dans des voitures où le chauffeur boit de la bière et fume du
pot soit sur un scooter où ledit chauffeur conduit à 170 km/h.
Mais.
On a surtout besoin d'une bonne dose de
self control quand on va au
In du festival
d'Avignon. Si les artistes sont renommés, intelligents, intéressants,
les festivaliers, eux, font tout pour le devenir. Je rigolais à
chaque fois que je discutais du In
à des habitués du Off
qui, par défaut, désignaient le Off
en parlant du festival d'Avignon. Chaque fois que je mentionnais que
j'allais au In, mes
interlocuteurs se redressaient ainsi que leur petit doigt l'air de
dire ''au pardon : le In''.
Du coup,
le In,
c'est pour la reine d'Angleterre à ce qu'on dit. Est-ce vrai?
Vérifions.
J
-1 jeudi 4 juillet 2013, Cloître St-louis.
Conférence
de presse où on présente la FabricA, nouveau lieu de résidence
pour les troupes invitées au In.
'' on n'a pas eu beaucoup d'argent pour réaliser ce projet. 10
millions, c'est peu pour un projet de cette envergure''1.
Ça commence bien.
La
veille, j'avais discuté du festival (In
&
Off)
et de ses impacts économiques avec des avignonais. Conclusions :
le(s) festival(s) d'Avignon, c'est un peu le Wal-mart de la région
ou le Monsanto du coin. L'économie repose à 80% (à vérifier quand
même; mes sources sont issues de la rue) sur le(s) festival(s) me
dit-on. Les occasions ne manquent pas pour transformer n'importe
quelle enceinte en ''théâtre'' (on parle du Off
ici).
Alors, la passionnée de théâtre que je suis se dit que c'est
super, qu'enfin toute une ville dépend de l'art et vit sur le
théâtre, que pendant un mois, tout le monde contribue avec force et
motivation à la vie théâtrale actuelle! Hourra pis toute.
Ces
fameux théâtre improvisés pour l'occasion (c'est-à-dire des
garages ou des cuisines par exemple) devraient m'enchanter.
Devraient.
Parce
que trop petits, parce que situés dans des trous impossibles à
trouver, parce très chers, parce que pas du tout faits pour
accueillir un spectacle, ces locaux génétiquement modifiés en
salles de spectacle (pas la majorité des 125 tout de même) en
viennent à ruiner (involontairement, cela va de soit) les petites
troupes de théâtre (je dis pas qu'elles méritent nécessairement
d'exister, mais quand même) qui finalement paient pour se produire
devant personne. Mais c'est pas grave, quelle chance de se produire
au festival! En plus, si elles sont motivés, ces troupes n'auront
qu'à se rattrapper en donnant un coup sur la publicité. C'est
tellement original ici de placarder des tonnes d'affiches, qu'elles
réussiront surement!
Bon.
Ne culpabilisons pas trop. Avec la quantité de spectacles, on peut
pas tout voir (1250 productions approximativement).
Tandis
qu'on jase là...
Du
monde qui font semblant de participer au festival en créant des
salles de spectacles là...
Je
peux bien faire une parenthèse sur les propriétaires d'appartements
qui résignent le bail de leur locataire avant la fin de celui-ci
pour tirer bon profit des festivaliers se cherchant une place pour se
loger en juillet? En France, j'ai su qu'on n'avait pas le droit de
mettre un locataire dehors avant la fin du bail. À Avignon non plus,
mais pendant le brevet...
Permission
spéciale aussi aux commerces d'Avignon d'étirer les soldes de deux
semaines. C'est réglementé en France les soldes. À Avignon aussi,
mais pendant le festival...
Avignon
sans festival (de septembre à mi-juin disons), c'est désert; les
commerces vendent 1 article par mois (j'exagère je pense). Mais
c'est pas grave, le festival est là pour eux! Ils augmentent leurs
prix (qui ne le ferait pas?) et font des recettes pour l'année.
C'est comme des fraises en fait; la saison, c'est en juillet!
Bref,
la ville est assez dépendante de Monsanto/ pardon... du festival.
Bien
ou mal? Peut-être un peu prématuré pour le dire. Faut dire que
j'exagère un peu. (Certains m'accuserons d'euphémisme sur cette
dernière phrase (si j'ai des lecteurs)) Je m'emporte.
Pendant
que j'en reviens, je reviens sur la conférence. La discussion autour
de la FabricA est suivie d'une entrevue avec Christian Berthonneau du
Groupe F qui produit Ouvert!,
spectacle inauguratif du In
(Mes
collègues en parlent avec passion, vous pourrez lire leur article,
c'est bon). On lui pose des questions comme : ''la
stigmatisation du théâtre dans la performativité post-moderne
s'inscrit-elle dans la démarche artistique que vous préconisez?''2.
Bref, un tas de questions posées par un jeune journaliste ayant un
léger complexe d'infériorité (C'est le In,
il faut être à la hauteur/ pardon... plus haut que les autres). Mon
sac de claques dans la face est sur le point d'exploser. Je
m'emporte.
Bon,
heureusement, Christian est là pour calmer mon agacement. Il revient
sur ce que préconisait Vilar à la création du festival en
soulignant que sa compagnie ne fait pas dans le petit. Au Groupe F,
c'est grandiose, on s'adresse à des foules de minimum 10 000
personnes.
À
ce chiffre là, risque d'être présent bon nombre de personnes
n'ayant pas coutume d'aller au In,
ni même au Off,
ni même au théâtre. Est-ce vrai? Vérifions.
J
-0 vendredi 5 juillet 2013 La FabricA
Ouvert! :
des feux d'artifice pour tous, peu acccessible pour ceux qui
s'entêtent à y donner un sens.
Le
spectacle se trouve en fait dans la foule : certains
(non-festivaliers on va dire) crient, s'énervent, manifestent haut
et fort leurs impressions sans nécessairement être attentif au
spectacle, alors que d'autres (les festivaliers on va dire) ne
supportent pas ce genre de comportement. Après, on se demande
pourquoi plus personne ne vient au théâtre...
Ce
fut un joli combat entre des ''wow c'était beau!'' et des ''quelle
était la sémantique des dessins d'enfants en rapport avec la
théâtralité de la pyrotechnie?''
Bref,
le choc des cultures, c'est là
1Je
paraphrase
2À
noter que cet exemple est fictif.
Texte très intéressant et fort pertinent. Il est toujours intéressant de questionner, à travers ce qui se montre, ce qui se cache. Une vive polémique avait vu le jour concernant les jeux Olympiques, notamment, mais aussi les activités que l'on trouve à Québec (le Red-Bull crashed ice). Il y a toujours un prix pour l’implantation d’un projet dans un lieu impliquant commerçants, résidents et Cie. À ce titre, vos « analogies hyperboliques » rendent bien compte des structures qui se voilent à travers le dévoilement du Festival (qu’au final elles soient positives ou non). Pour le reste, j’imagine que plus ça change, plus c’est pareil.
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