Re : Walden – La technique et l’environnement
Nous nous sommes « exilées »
samedi dernier au Tinel de la Chartreuse, à quelques minutes de navette du
centre névralgique d’Avignon pour assister à Re : Walden de Jean-François Peyret.
Invité en 2009 par l’Experimental
Media Performing Art Center, Peyret a profité de ce séjour aux États-Unis pour
explorer un de ses textes coup de cœur : Walden ou la vie dans les bois d’Henry David Thoreau. Ni roman, ni
journal, cette œuvre littéraire est phare de la philosophie libertaire et
écologiste. Elle pose des raisonnements sur l’homme et la nature, l’animalité
et la technique; Thoreau s’exile en effet dans les bois en pleine révolution
industrielle américaine. Peyret utilise l’œuvre comme matériel textuel pour une
création théâtrale autour de la mémoire de l’acteur et des dispositifs
d’intelligence artificielle, comme les voix de synthèse et les traducteurs
automatiques.
Entre la scène et la salle
Les rapports de l’Homme à la
technique sont donc le cœur de Re :
Walden, tant sur le plan du contenu que de l’esthétique. La régie placée
devant la scène était une part intégrante, voire omniprésente, du spectacle.
Elle faisait office d’écran entre le spectateur et les comédiens. Le choix du
Tinel de la Chartreuse n’excluait aucunement la possibilité d’aménager une
régie derrière l’auditoire, ou simplement cachée par des rideaux autoportants.
Ce choix de Peyret de l’étendre sur plusieurs postes informatiques, couvrant
tout le front de contact entre scène et salle, témoigne de sa volonté de mettre
de l’avant les thèmes mentionnés précédemment. Il y avait d’ailleurs quelques
moments d’interaction verbale et physique entre les techniciens et les
comédiens qui, vers la fin du spectacle, circulaient dans tout l’espace de la
salle et des couloirs de la chartreuse, pendant que leurs doubles virtuels
étaient projetés sur scène. Le rapport strictement frontal est transgressé par
la pénétration des acteurs dans l’espace du public, ce qui nous amenait à
rester conscients de notre environnement.
Architecture
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Salle du Tinel |
Un cyclorama blanc a même été
levé au début de la pièce pour dévoiler les murs nus du Tinel, sur lesquels
étaient projetées les images vidéos. Le mur du fond comportait une porte double
en bois en plein centre et était utilisée pendant le spectacle. La partie supérieure
de ce mur est sculptée et le bas est lisse. La démarcation se trace juste au-dessus de la porte de bois. Ceci modifie quelque peu l’aspect des projections
et, lors d’une scène, cet axe a été aligné avec le reflet de la forêt dans l’eau
d’un lac. La réflexion était inversée de sorte que l’image de la forêt était
claire dans la partie inférieure lisse du mur et brouillée par l’onde de l’eau
dans la partie sculptée. Le mur de
droite avait deux fenêtres au niveau de l’aire de jeu, dont le fond recouvert
d’aluminium était éclairé pour créer l’illusion de lumière naturelle. Nous
prenons compte alors de combien reproduire la nature à l’aide de la technique
au théâtre fait écho à l’œuvre de Thoreau. Aucun élément de l’architecture et
de l’équipement de la salle n’était laissé au hasard. Les deux ouvertures des
côtés cour et jardin étaient exposées et même les grilles d’accrochages, à
certains moments, étaient éclairées exprès pour créer de l’ombre sur la scène et
les murs.
Emplacement
Ainsi il n’en tenait pas
uniquement à l’orientation scénographique pour servir le propos de l’œuvre. Tout
le bâtiment participait à la sémantisation. Il est également intéressant de
rappeler que la Chartreuse était un palais abritant un cloître monastique et
que le Tinel était le réfectoire des moines. Il s’agissait d’un endroit de
réunion pour les moines en introspection. Le thème de la solitude dans la
multitude est également fort dans Walden
ou la vie dans les bois. À noter, également, que la situation géographique
de la salle nous a obligés à traverser le Rhône et de sortir de la zone urbaine
d’Avignon, pour toutefois se retrouvé entourés de spectateurs dans la salle du
Tinel…
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